Publié le 18 mars 2016 | par Rédaction

La TVA de l’essence reste irrécupérable. Votée en 1ère lecture par l’Assemblée contre l’avis du gouvernement, elle n’a pas survécu à la navette parlementaire.

C’est sans doute partie remise, mais pour la TVA de l’essence c’est encore raté. Si le rééquilibrage fiscal essence-gazole fait sens, c’est bien la récupération de TVA qui semblait logiquement s’imposer comme axe du dispositif, bien avant “le moins un plus un” qui impacte le prix à la pompe. On a vu en effet en préambule de ce dossier qu’en France les prix à la pompe sont pile, dans la moyenne de la zone euro, et qu’il existe déjà une programmation de valorisation de la tonne de CO2 qui induit pour l’avenir des augmentations récurrentes. Il n’était donc pas indispensable d’y ajouter un processus de tripatouillage tarifaire qui pourrait s’avérer très fâcheux si le cours du pétrole remontait.

Ça aurait pu le faire

En revanche la récupération de la TVA sur l’essence, à 80% comme pour le gazole, mesure éventuellement étalée en plusieurs années pour ne pas bousculer le marché et s’adapter au temps industriel, se justifiait dans une démarche de politique économique européenne constructive, en faisant sauter l’une de ces innombrables clauses de gel qui paralysent l’harmonisation fiscale de l’UE. Rappelons que c’était dans le principe une opération à somme nulle pour les finances publiques puisque les entreprises qui roulent presque exclusivement diesel auraient progressivement remplacé quelques véhicules diesel par quelques véhicules à essence et auraient alors remplacé un carburant à TVA récupérable par un autre carburant à TVA récupérable. Il n’était pas exclu qu’en affinant le calcul, les recettes de l’Etat puissent même y trouver quelque avantage à la marge. La commission des finances de l’Assemblée avait d’ailleurs donné un avis favorable et même les écolos prenaient enfin le problème dans le bon sens en comprenant le fonctionnement de la directive 77/388/CEE et en poussant à la récupération sur l’essence plutôt qu’à l’exclusion du droit à récupération sur le gazole, laquelle est impossible. La directive datant de 1977, il n’est jamais trop tard pour apprendre.

Mais pas dans un contexte de surenchère anti-diesel

En première lecture à l’Assemblée, le principe d’une récupération à 40% en 2016 et à 80% en 2017 est passé contre l’avis du gouvernement, voté par une majorité de circonstance dans un hémicycle clairsemé. Fait relativement rare, la présidente de séance a même du demander aux rares députés présents de relever une seconde fois la main pour recompter et confirmer le résultat. Mais en venant s’inscrire dans un contexte de polémique anti-diesel surréaliste, la mesure a soudain paru audacieuse sachant qu’elle serait réglementairement irréversible. Le Sénat s’y est alors opposé dès sa 1ère lecture et, en seconde lecture, l’Assemblée s’est finalement rangée au même avis (en dépit d’une ultime tentative d’étalement sur quatre ans) craignant de déstabiliser le marché du diesel de nuire à nos constructeurs, à notre industrie et à l’emploi… Le sujet reviendra probablement en débat l’année prochaine pour les 40 ans de la directive qui fêtera 40 ans de provisoire.

La directive 77/388/CEE, et son principe

Pour bien comprendre l’enjeu, rappelons qu’en son temps, la sixième directive 77/388/CEE, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires avait ouvert droit à déduction de TVA quand : “les biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées”. Tout en excluant les “dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation” et en reconnaissant à chaque État membre (sous expresse réserve de consultation d’un comité TVA,) la faculté pour des raisons conjoncturelles, d’exclure partiellement ou totalement du régime des déductions, certains biens d’investissement…. Mais la logique d’harmonisation fiscale supposait que les exclusions décidées par un État membre ne s’installassent pas dans la durée. Cette sixième directive incluait aussi la fameuse “clause de gel”, qui a autorisé les États à maintenir les exclusions à déductions qui existaient avant l’adoption de la directive 77/388/CEE, mais les empêchent d’en créer de nouvelles jusqu’à l’adoption d’une nouvelle directive harmonisant ces mesures d’exclusion. Depuis bientôt 40 ans on attend toujours l’harmonisation promise et certains États ne sont pas pressés, satisfaits d’une clause de gel qui sacralise leurs “exclusions acquises” et les recettes qu’elles sauvegardent.

Pour les VP ce n’est pas pour demain

En conséquence, si la récupération de la TVA sur l’essence a quelque chance de revenir en débat et peut-être de finir par passer, la récupération sur les VP en France, n’est pas pour demain. Pour les entreprises françaises, la TVA sur les véhicules n’est récupérable que sur les utilitaires. Les autres véhicules “conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes” sont tous exclus du droit à déduction. C’est loin d’être le cas chez tous nos voisins et notamment pas en Allemagne. Il suffit d’observer le parking d’une entreprise allemande pour comprendre qu’on ne roule pas dans le même système fiscal.
Pour les véhicules achetés (au comptant ou à crédit), la TVA est bien sûr acquittée lors du règlement. Pour les véhicules en crédit-bail, elle est acquittée sur les loyers au fur et à mesure de leur échéance et idem pour les véhicules en LLD.

Un VUL à une seule rangée de sièges

Si un VUL récupère la TVA comme une brouette ou un groupe électrogène, c’est qu’il a vocation à rester cantonné à un usage professionnel et que, juridiquement, “il répond aux besoins des opérations taxées de l’entreprise”. Ce qui dans le concept même de la taxation sur la valeur ajoutée entraîne droit à déduction (à récupération de la TVA) sur la totalité de son coût : acquisition (achat ou location), maintenance, entretien et énergie ou carburant (sauf pour la TVA de l’essence). Sans entrer à ce stade dans les détails, on comprend déjà que la fiscalité privilégiée du VUL s’accompagne de considérations d’utilité pour l’activité de l’entreprise et “inversement” de restrictions de jouissance pour l’utilisateur, ce que l’administration fiscale résume dans son critère de “destination dans l’entreprise”. S’il n’est pas impossible d’étendre l’usage strictement professionnel d’un VUL au trajet domicile-travail (et sous conditions pour l’URSSAF) il est une contrainte qui ne peut être transgressée, c’est celle de la simple rangée de siéges qui limite les VUL à deux places, voire trois quand la largeur de cabine permet l’installation d’une banquette double et que deux passagers (souvent bien serrés) peuvent alors accompagner le conducteur.

Renoncer à la transgression

Naturellement l’idée de détourner le statut fiscal de quelques VUL à l’aspect ludique ou inversement défiscaliser quelques véhicules de tourisme spacieux (comme certains SUV) a bien sûr parfois traversé l’imagination de contribuables réfractaires, tentés d’(ab)user de la récupération et dans la foulée d’échapper au malus, à la TVS et mieux (ou pire) d’amortir l’intégralité du prix du véhicule. Mais il faut bien imaginer que ceux qui sont en charge du recouvrement de l’impôt n’ignorent rien de l’affaire et qu’il leur suffit d’accéder au fichier des cartes grises pour disposer en temps réel d’une liste de candidats au redressement.

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Il ne faudrait toutefois pas déduire de quelques cas sulfureux, que l’acquisition d’un VUL rende une entreprise suspecte. Il s’immatricule chaque année en France environ 400.000 VUL et des millions d’utilitaires roulent dans l’Hexagone qui n’ont jamais connu les foudres de l’administration fiscale. Le plateau-benne de l’entreprise générale de bâtiment, le fourgon-atelier du plombier chauffagiste, la multitude des camionnettes d’artisans ou de société de messageries ou de services après-vente, sont légitimes et “répondant aux besoins des opérations taxées de l’entreprise” peuvent récupérer la TVA et bénéficier du statut fiscal de VU. Idem pour les “VU dérivés de VP” ; l’administration fiscale précisant d’ailleurs : “…le dispositif d’exclusion du droit à déduction ne s’applique pas (…) aux véhicules dits “dérivés VP” qui ne comportent que deux places, également commercialisés sous les appellations société , affaire ou entreprise ”.

On est parfois sur le fil

Toutefois, il n’est pas toujours simple l’administration de définir le domaine du possible pour ne pas nuire à quelques exigences professionnelles particulières tout en serrant les boulons pour éviter les dérives incontrôlées..
Ainsi dans le bulletin des impôts (BOI-TVA-DED-30-30-20-20131118) on peut lire : “Il est insisté sur le fait que dans le domaine automobile, (…) le critère déterminant reste de connaître pour quel usage l’engin a été conçu et non quel en est son usage effectif.” Ce qui n’empêche pas l’administration de rappeler par ailleurs que : “la catégorie dans laquelle un véhicule a été réceptionné par le service des Mines est une indication qui ne saurait à elle seule faire échec aux critères d’exclusion.”
Le législateur ne lui a pas facilité la tâche en inventant “le véhicule conçu et construit pour transporter des marchandises, destiné au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens”. En soutenant qu’un type de véhicule réceptionné dans toute l’Europe comme “conçu et construit pour le transport de marchandises”, puisse être en France, “destiné au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens”, il semble pour le moins contradictoire de soutenir simultanément que “le critère déterminant reste de connaître pour quel usage l’engin a été conçu et non quel en est son usage effectif.”

Dixit le BOFIP du 18 novembre 2013

Selon la règle générale, le droit à déduction sur les véhicules reste basé en France sur le système “gelé” qui avant 1977 prévoyait déjà le droit à déduction pour les utilitaires mais pas pour les véhicules particuliers. Les textes ont évolué dans leur formulation mais pas dans le principe.
La règle générale rappelée par le Bulletin Officiel des Finances Publiques Impôts (18 novembre 2013) (voir sur site http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1192-PGP.html.) énonce que : “Selon le 6° du 2 du IV de l’article 206 de l’annexe II au code général des impôts (CGI), sont exclus du droit à déduction les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, qui ne sont pas destinés à être revendus à l’état neuf.
Il en est de même des éléments constitutifs, des pièces détachées et accessoires de ces véhicules et engins (CGI, ann. II, art. 206, IV-2-7°).
Les biens visés par cette exclusion doivent donc répondre simultanément à deux sortes de critères :
– critère fondé sur les caractéristiques du véhicule ;
– critère fondé sur la destination du véhicule dans l’entreprise.”

Pour les véhicules : résumons

Si on résume les points évoqués ci dessus, on en déduit que
– la TVA n’est pas récupérable sur les véhicules de tourisme au sens de l’article 1010 (véhicules ou engins conçus pour le transport de personnes ou à usage mixte) sauf… pour les pour les véhicules nécessaires à l’activité de l’entreprise “en raison même de son objet”. Et on loge dans ce “sauf” (qui peut) les taxis, les ambulances, les véhicules auto-école, les corbillards… affectés à titre exclusif à l’activité professionnelle. Ainsi que les véhicules destinés à la location ou à être revendus à l’état neuf : “l’exclusion ne concerne pas les véhicules qui présentent le caractère d’éléments de stock. Les concessionnaires ainsi que tous les négociants opèrent donc dans les conditions normales la déduction de la taxe ayant grevé l’achat de tout véhicule qu’ils destinent à la revente à l’état neuf.”
– la TVA est récupérable en totalité sur les utilitaires (VUL) à une seule rangée de sièges, y compris les “VU dérivés de VP” à deux places et sur les utilitaires à cabine approfondie avec banquette. Même le cas des fameux 4×4 pick-up est explicité. (voir en fin de dossier le chapitre consacré aux pick-up

C’est simple mais c’est compliqué

Le BOPFI version 18 novembre 2013, n’en reste pas là. Il comporte aussi quelques restrictions d’importance qui donnent parfois le sentiment d’une fébrilité répressive confuse, même si on comprend le souci de verrouiller toutes les tentatives de débordement et toutes les brèches pouvant inciter à une optimisation débridée… au détriment de ceux qui paient l’impôt.

Il est bien difficile de soutenir à la fois que “le critère déterminant reste de connaître pour quel usage l’engin a été conçu et non quel en est son usage effectif.” Tout en développant ensuite toute une série de restrictions d’usage au droit à déduction. Faut-il craindre à ce point de voir le croque-mort maquiller son corbillard en camping-car et s’installer en bord de mer en juillet-août pour se sentir obligé de préciser “les véhicules aménagés en corbillards, utilisés exclusivement à des transports funéraires par les entrepreneurs de pompes funèbres tant pour le transport des corps que pour le transport des familles, ouvrent droit à déduction de la taxe ayant grevé leur acquisition”. On imagine le tableau : “Si ces messieurs-dames de la famille veulent bien s’avancer pour la crémation des merguez… Le ricard sera servi dans la sacristie”

Entretien, maintenance et carburants

La distinction entre véhicules exclus ou pas droit à déduction de TVA se prolonge sur leurs frais d’entretien et de maintenance (pièces et M.O.) : dans les grandes lignes est récupérable intégralement pour les utilitaires, mais pas pour les véhicules “de tourisme” mais avec toutes les conditions, nuances et subtilités qui ont concerné la TVA du véhicule lui-même.

Sur les carburants et sources d’énergie, les distinctions sont plus complexes, car elles se font selon les véhicules utilisateurs mais aussi selon les carburants.
– Pour les VU ou les non exclus du droit à déduction : la TVA du gazole, de l’E85, du GPL, du GNV et de l’électricité, est déductible intégralement. Mais pas (du tout) celle de l’essence… même pour remplir le réservoir d’un engin indiscutablement utilitaire.
– Pour les “véhicules de tourisme” ou les exclus du droit à déduction : la TVA est déductible intégralement pour le GPL, le GNV et l’électricité, mais à 80% seulement pour le gazole et l’E85. Et toujours pas pour l’essence !

Attention le taux de déductibilité est de 50% pour les gaz de pétrole et autres hydrocarbures à l’état gazeux, mais le GPL est comme son nom l’indique liquéfié, idem pour le GNV comprimé utilisé comme carburant ; le droit à déduction de la taxe afférente à ces carburants s’exerce donc sans restriction quelle que soit la situation en regard du droit à déduction des véhicules pour les besoins desquels ils ont été utilisés.

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