Publié le 21 décembre 2017 | par Rédaction

Gazole et essence parviendront à parité en 2022, tant pour la déduction de TVA que pour les prix à la pompe. Les VR, les TCO et les stratégies en dépendent !

Vous aviez bien calculé vos TCO pour les années à venir… préparez-vous à tout recommencer. Nous avons déjà publié dans le N°137 de KMS les dispositions du projet de loi de finances 2018 qui concernent la fiscalité automobile et notamment le prix des carburants et les malus. Dans le N°138 nous avons dévoilé les nouvelles grilles de calcul de la TVS contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous développerons tous ces sujets de fiscalité de manière plus approfondie dans le N°140 à paraître en janvier quand, au terme du débat parlementaire, les textes de loi définitifs ainsi que le décret des bonus auront été validés et publiés.

Mais il nous semble intéressant d’observer dès à présent la parité essence gazole désormais programmée. Cette parité interpelle le choix quasi exclusif des entreprises pour le diesel qui prévaut depuis une trentaine d’années. Elle interpelle aussi la chaîne de valeur des diesel vendues plus cher que les versions essence à l’état neuf, mais jusqu’à présent assurées d’une valeur résiduelle plus élevée et d’une demande plus soutenue. Cet équilibre de marché, installé depuis 30 ans, pourrait s’infléchir, impacter les VR, les TCO, les stratégies et les choix de motorisations.

La parité totale en 2022

Il est en effet déjà acquis que la déductibilité de la TVA de l’essence passera à 20% en 2018 pour les VP et les VUL et qu’elle s’optimisera ensuite de 20% chaque année, jusqu’en 2021 pour les VP (à 80%) et jusqu’en 2022 pour les VUL (à 100%). Hormis ce point positif, ce sont des augmentations qui vont s’accumuler pour la TVS et les malus… mais surtout pour le prix des carburants.

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Avec la révision de la TIPCE, le gazole augmentera de 7,6 centimes dès le 1er janvier aux alentours de 1,38€ le litre à la pompe et pourrait atteindre en 2022 un record absolu autour de 1,60€. Et encore… à la condition expresse que le baril de pétrole ait l’aménité de ne pas dépasser son niveau actuel de 60 à 63 $ et que, par ailleurs, l’euro-dollar ne descende pas sous la fourchette de 1,15/1,20.

Et au commencement… était la croissance verte !

Comment en arrive-ton là alors que le pétrole vaut actuellement moitié moins cher qu’en 2014 ? Pour comprendre il faut remonter au fiasco de l’écotaxe et de ses portiques. Le gouvernement de l’époque budgétairement contraint de trouver une recette de remplacement avait profité de la baisse du baril pour mettre en place une “trajectoire tarifaire de la composante carbone”. C’était le moment idéal pour taxer les carburants, sans douleur apparente, puisque le cours du pétrole resté plusieurs années au-dessus de 100$, commençait à baisser. Cette composante carbone s’est inscrite dans le cadre de la loi de transition énergétique, une loi fourre tout qui après plus d’un an de palabres avait défini une économie raisonnée pour un monde idéal : la “croissance verte”…

Finalement votée dans l’indifférence estivale en juillet 2015, la loi de transition énergétique ne prévoyait que des “objectifs” dont la crédibilité s’est illustrée récemment avec la réduction de la part du nucléaire à 50%, renvoyée sine die sans plus de procédure, au motif élémentaire qu’elle n‘était pas réalisable pour 2015. Ce que le citoyen doté de deux hémisphères en état de fonctionnement, supputait déjà en 2015.

Le gazole à 1€… un souvenir

Si le coût des démantèlements et des investissements dans les énergies renouvelables inscrivait la réduction du nucléaire dans la colonne dépenses, la trajectoire tarifaire de la composante carbone figure, elle, dans la colonne recettes. Et vu les exigences de la dite colonne recettes, le gouvernement a décidé d’en remettre une couche. Alors que la TIPCE du gazole était déjà passée de 42,83 €/hectolitre en 2014 à 53,07 en 2017, elle est programmée dans la loi de finances, à 59,40 en 2018, à 64,76 en 2019, à 70,12 en 2020, à 75,47 en 2021 et enfin à 78,23 en 2022.

S’il vous reste quelque part un litre de gazole à 1€ de décembre 2015, garder le précieusement dans une fiole à la cave comme un cru d’exception, car vous n’en reverrez jamais. En 2022, la seule TIPCE affectée de 20% de TVA représentera déjà 94cts au litre, sans les coûts de raffinage et de distribution (également chargés de TVA), et sans compter le pétrole…

14 milliards à l’horizon 2022

C’est notoire, la fiscalité automobile est utilisée comme une variable d’ajustement budgétaire et l’argutie écologiste pour agiter l’émotion au gré des nécessités financières du moment. Or cette année, les besoins de recettes sont à la hausse puisque, sans même évoquer le problème de la taxation des dividendes qui fait l’objet d’un collectif budgétaire spécifique, il faut à la fois financer le retour vers les 3%, ainsi que les diverses promesses de campagne. Ouvrant le débat sur la TIPCE (article 9 du PLF) en première lecture à l’Assemblée, Vincent Descœur (LR) a estimé “ le choc fiscal de cette hausse vertigineuse du prix des carburants… à une hausse de prélèvements de 3,7 milliards d’euros et de plus de 14 milliards d’euros à l’horizon 2022”.

L’effet FAP du bonnet rouge

Le ministre des comptes publics Gérald Darmanin convenant d’une “transformation difficile, mais plus que nécessaire” estimait “la hausse de la fiscalité sur le diesel à 240 euros supplémentaires, par an, pour une personne qui fait un plein par semaine” ajoutant qu’elle sera “très largement compensée, et qu’elle transformera le pays”. Évoquant l’antienne “des particules fines responsables de 45 000 morts prématurées par an”, il a aussi précisé que “le Gouvernement avait pris soin d’exclure de l’évolution de la fiscalité, les agriculteurs et les poids lourds”.

Chacun appréciera au passage la capacité du bonnet rouge à filtrer intégralement les particules fines. Au Sénat, un mois plus tard, le ministre n’évoquait plus que 40 000 morts, mais le sénateur Julien Bargeton (LREM) affirmait : “Trois chiffres sont connus : 50 000 morts anticipées en France, 500 000 morts en Europe, 5 millions de morts dans le monde.” Dommage qu’il n’ait pas poussé plus loin la réflexion car considérant que les Martiens devaient rouler aussi au diesel, nous aurions pu recalculer la taxe et sans doute revenir à l’équilibre budgétaire dès l’an prochain.

L’hybridation et le doigt mouillé

Plusieurs députés se sont aussi inquiétés de ce qu’il adviendrait des prix à la pompe dans l‘éventualité d’une hausse du pétrole. Bertrand Plancher (UDI) a voulu les rassurer : “d’ici cinq ans, avec l’arrivée des véhicules hybrides, les coûts d’utilisation des véhicules vont être divisés par deux”. Nul ne devant être inquiété pour ses opinions, même religieuses… nous n’ajouterons rien ! Bénédicte Peyrol (LREM) se voulant plus convaincante a invité ceux qui doutaient “à lire une excellente étude de BP qui remonte à 2007 et qui établit que l’augmentation des prix des carburants devrait être stable dans les cinq prochaines années.” La crise étant passée par là, il existe peut être, chez BP ou ailleurs, des études plus récentes… à défaut pour prévoir les cours du pétrole à 15 ans, il y a aussi la boule de cristal et le doigt mouillé !

Et les entreprises dans tout cela

Dès lors qu’il semble acquis que le gouvernement ne renoncera pas à l’augmentation de la TICPE, voyons la problématique spécifique des entreprises. Jusqu’à présent, à l’avantage du prix à la pompe qu’elles partageaient avec les particuliers, les entreprises ajoutaient l’avantage de la récupération de TVA sur le gazole, et l’avantage de TVS découlant de la moindre consommation des diesels et donc de la moindre émission de CO2.

Mais la parité de la fiscalité essence gazole va faire bouger les lignes : à terme il n’y aura plus d’avantage de TVA, ni d’avantage de prix à la pompe: si la TICPE du gazole est programmée à 78,23 en 2022, celle du SP95 est en effet attendue à 77,8 à la même échéance. Dans la période intermédiaire, les avantages du gazole même en diminution, pourraient inciter sans plus d’interrogation à rester fidèle au diesel et voir venir. Toutefois quand vous voudrez vous débarrasser dans 36 ou 48 mois des automobiles diesel acquises en 2018, nous serons déjà en 2021 ou 2022 et là, leur revente pourrait déjà s’avérer plus complexe qu’à l’ordinaire.

Le surcoût du VN diesel et sa VR

Certes, pour les clients de vos VO, l’avantage de consommation du diesel demeurera significatif notamment pour ceux qui roulent beaucoup, même s’ils ne sont pas assujettis à la TVS et s’ils ne récupèrent pas la TVA. Mais le client “lambda” qui roule 10 à 12.000 km/an, risque fort de reprendre sa calculette. Il ne voudra peut-être plus payer une surcote pour l’automobile diesel au prétexte que vous l’aurez achetée neuve 2 ou 3000€ de plus que la version essence, d’autant qu’il doutera lui aussi de pouvoir répercuter une part de cette surcote à son client de troisième main.

C’est toute la chaîne de valeur qui risque de s’effriter. Déjà on voit dans le marché du VN que la part du diesel s’est très sensiblement érodée, aux environs de 48% cette année alors qu’on dépassait allègrement 70% il y a cinq ans. Le client de VN a en effet tendance à acheter ce qui est réputé se revendre sans trop de difficulté et le client de VO n’est pas moins prudent. Quand de surcroît, tel l’automobiliste francilien, le client du VO entend le diesel menacé “d’éradication dans Paris”, il peut bien sûr spéculer sur le résultat des élections de 2020… mais aussi choisir prudemment l’essence pour s’acheter la paix.

C’est quasiment bâché,

En cette fin novembre, rien n’est officiellement définitif et rien ne le sera tant que se poursuivra la navette parlementaire et que le conseil constitutionnel n’aura pas examiné les très probables recours dans la dernière semaine de décembre.
Toutefois, les grandes lignes semblent déjà écrites pour l’essentiel sachant que l’Assemblée Nationale a toujours le dernier mot et que sa large majorité fraîchement élue et totalement acquise au gouvernement, ne manifeste guère d’impertinence.

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De nombreux amendements ont été défendus par l’opposition en première lecture pour tenter de rejeter ou de modérer la fiscalité des carburants mais le gouvernement s’y est systématiquement opposé et sa majorité l’a suivi. Il est donc très peu probable que la trajectoire évolue dans la suite des débats. Idem pour les nouvelles grilles de TVS qui ont été validées sans plus de contestation.

GPL et E85 en outsiders.

En fait la fiscalité automobile qui sera définitivement adoptée ne risque guère de s’écarter de la copie gouvernementale qu’à la marge, avec éventuellement quelques concessions sur le gaz (GPL et GNV) ou sur l’E85, le B100 ou autres carburants confidentiels réputés à empreinte carbone neutre ou réduite. Actuellement l’E85 est aux environs de 0,75€ le litre et le GPL à quelques centimes de plus. En dépit de surconsommations notoires, la compétitivité des modèles GPL et flexfuel ne pourrait que se renforcer si les ajustements de la TIPCE qui les épargnent restaient en l’état.

Et les constructeurs pourraient réinscrire rapidement dans leur catalogue français des versions flexfuel et des versions GPL déjà techniquement prêtes pour le marché brésilien et pour le marché italien.

Mais l’axe de diversification le plus évident pour les entreprises sera de passer tout simplement à l’essence leurs véhicules qui parcourent les plus petits kilométrages. Les versions hybrides-essence profiteront aussi de la parité fiscale des carburants mais leur performance de consommation (qui dépend de l’usage) pourra t-elle compenser leur surcoût à l’achat, face aux versions essence “normales” ? Quant aux hybrides rechargeables ils semblent séduire dans les créneaux haut de gamme mais cette séduction est largement liée à une homologation qui leur vaut un taux de CO2 irréaliste et une TVS dérisoire. Rien de tout cela n’est simple et rien n’impose pour l’instant un choix évident.

L’électromobilité pas prête pour le grand bain

On regardera aussi bien évidemment l’alternative électrique qui progresse. Certains usages de l’entreprise peuvent s‘accommoder de ses contraintes d’autonomie, même si à ce jour les VE ne peuvent prétendre à la polyvalence, à la souplesse d’utilisation et de disponibilité d’un véhicule thermique sur tous les parcours et par tous les temps. L’autonomie annoncée doit parfois être divisée par trois ou quatre si l’on roule à pleine charge à 130kmh par une température hivernale, avec phares, essuie-glaces et chauffage.

De plus dans les différentes solutions qui vont du tout électrique éventuellement assisté d’un booster, à l’hybridation plus ou moins plug-in, l’électromobilité cherche toujours son standard d’architecture qui en s’imposant emporterait aussi la standardisation du système et du réseau de recharge. Il faudra aussi faire transiter l’alternative électrique dans un environnement économique banalisé ce qui supposerait la rentabilité et la compétitivité sans subvention et l’utilisation d’une énergie aussi productive de taxes que les hydrocarbures … . Le passage dans le “grand bain” sera délicat.

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