Publié le 14 février 2019 | par Rédaction

Le pick-up à cinq places “de tourisme au sens du 1010” va rejoindre le champ de la fiscalité ordinaire, TVS, plafond d’amortissement, malus et… contentieux.

Sommaire

  1. BONUS-Malus : 12 ans de dérive
  2. La TVS : WLTP bonjour les dégâts
  3. TVA : Droit à déduction irréversible
  4. L’amortissement se paupérise
  5. Les IK : en l’attente du barème !
  6. Avantages en nature : la circulaire Acoss 2005-129 et sa FAQ
  7. Le pick-up 5 places « de tourisme »
  8. Les carburants… suspendus de vol

Nous avions signalé dans notre N°148 de novembre dernier, le vote par l’Assemblée Nationale en 1ère lecture de la loi de finances d’un article qui ajoutait “les véhicules équipés d’une plate-forme arrière (pick-up) à double cabine comprenant quatre portes” aux véhicules déjà visés par les articles 1010 et 1011bis du CGI. Cela, dans l’objectif de les assujettir à la TVS et au malus. Toutefois si la volonté de récupérer des recettes fiscales paraissait irréversible et même irrépressible au vu de leur estimation à 200 millions, nous ajoutions que la rédaction de cet article paraissait pour le moins approximative et sujette à révision en nouvelle lecture. Ce problème de forme était d’autant plus préoccupant que le sort fiscal des pick-up avait longtemps fait contentieux avant qu’une instruction fiscale du 7 octobre 2015 ne l’arbitre en concluant au non-assujettissement des pick-up à la TVS (y compris à double cabine). Ce changement de doctrine posait trois problèmes. Celui du malus qui, dissuasif, rendrait ces véhicules invendables et par la même occasion la recette fiscale illusoire. Celui de l’application immédiate qui piégeait les véhicules en stock chez les distributeurs et les véhicules déjà en commande par les entreprises. Et enfin plus inquiétant encore celui des véhicules déjà en parc qui soudainement se voient assujettis à la TVS et au plafond d’amortissement.

Non plus les PU 4 portes, mais les PU 5 places

Les députés ont apparemment convenu de cette approximation rédactionnelle car ils ont à nouveau multiplié les amendements et le débat a repris de plus belle en nouvelle lecture de la loi de finances pour aboutir à un nouveau texte. Cette fois, l’article 92 (de la loi 2018-1317 de finances pour 2019). ajoute aux véhicules précédemment visés dans l’article 1010 non plus les pick-up “à 4 portes” mais : “les véhicules comprenant au moins cinq places assises et dont le code de carrosserie européen est camions pick-up, sauf ceux mentionnés au e du 6° du IV de l’article 206 de l’annexe II au présent code, lorsqu’ils répondent à un impératif de sécurité pour les salariés.”
L’article 92 prévoit également que : “Pour l’application des articles 1010 bis, 1011 bis et 1011 ter du code général des impôts, aux certificats d’immatriculation délivrés du 1er janvier au 30 juin 2019, le premier alinéa du I de l’article 1010 du même code s’applique dans sa rédaction antérieure à la présente loi.”
Cette nouvelle rédaction en renvoyant l’application du malus (1011 bis) au 1er juillet laisse aux distributeurs un peu de délai pour liquider les stocks auprès de particuliers et éventuellement immatriculer le solde alors vendu en VO récents. Mais elle ne règle en rien le problème des entreprises qui avaient acquis jusqu’à décembre dernier ce type de véhicule en étant assurées par l’instruction fiscale de leur non assujettissement au plafond d’amortissement et à la TVS.

Quid des pick-up déjà en parc ?

chapitre_7_photo1_fisca_icono.jpgTentons de faire simple (ou au moins d’essayer) Oublions dans un premier temps, la (très exclusive) exonération “du e du 6° du IV de l’annexe II du CGI” accordée aux “véhicules de type tout-terrain affectés exclusivement à l’exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, lorsqu’ils répondent à un impératif de sécurité pour les salariés.”
Comme c’était déjà le cas pour les modèles à double-cabine, les pick-up “comprenant au moins cinq places” sont et seront soumis à la TVA, puisque leurs cinq places ne sont évidemment pas disposées sur une seule rangée. Là rien de nouveau. Mais désormais assimilés à des “véhicules de tourisme au sens de l’article 1010”, ils sont depuis le 1er janvier 2019 soumis également à la TVS et au plafond d’amortissement. Comme ces véhicules sont généralement dotés d’un taux de CO2 élevé, les entreprises ont à redouter le plafond d’amortissement minimal (9900€) qui renvoie le reste du prix au bénéfice imposable. Et toujours en raison de ce taux, elles ont aussi à redouter une TVS très sévère.

Peut-être matière à QPR ?

Cette nouvelle disposition fiscale pourrait mettre les entreprises qui détiennent déjà des pick-up cinq places, dans la situation qu’elles avaient connue avec les N1 en 2010. Le retour au “champ de la fiscalité ordinaire” était passé par une normalisation des amortissements et un assujettissement immédiat à la TVS. Toutefois pour les pick-up, il sera difficile aux pouvoirs publics d’alléguer on ne sait quelle prise de risque coupable ou abus de droit de la part des entreprises dont le droit était parfaitement bordé par l’instruction fiscale. Toute disposition à effet rétroactif pourrait donc donner matière à question prioritaire de constitutionnalité. Et même si la fiscalité demeure du ressort des Etats, le fait de classer une “carrosserie camion en voiture de tourisme” semble contredire la directive 2007/46/CE au delà de toute raison. On n’est plus cette fois dans le cas de “véhicules à usages multiples”.
Pour bien comprendre, il faut considérer le contexte juridique des véhicules de tourisme au sens de l’article 1010. Rappel !

L’article 1010 du CGI

L’article 1010 est l’article du code général des impôts qui définit la TVS ses tarifs, ses assujettis, ses modalités d’application, etc. Jusqu’en avril 2009, quand l’article 1010 énonçait : “les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu’elles utilisent…” la différence entre un véhicule de tourisme (conçu et construit pour le transport de personnes) assujetti à la TVS et un utilitaire (conçu et construit pour le transport de marchandises) qui n’était pas assujetti, était largement convenue et comprise.
Si de tout temps certains ont pu être tentés pour profiter du statut fiscal des VU d’en détourner la fonction et l’usage, la ligne de rupture la plus évidente dans la législation française entre le statut de véhicule utilitaire léger (VUL) et le statut de véhicule de tourisme dit aussi véhicule particulier (VP) était, est encore aujourd’hui, la fameuse “unique rangée de sièges” qui caractérise les utilitaires et en limite l‘habitabilité à deux places (parfois trois quand le véhicule est asses large).

Les VU dérivés de VP : une seule rangée de sièges

Cette caractéristique clivant VP et VU, permet aux constructeurs, sur des modèles à carrosserie bicorps et hayon, de proposer des “VU dérivés de VP”. Ce sont des VU dont la conception est en tous points identique à celle d’un VP, mais dans lesquels on a supprimé la banquette AR au profit d’un plancher de chargement pour faire ainsi bénéficier le véhicule du statut de VU et l’entreprise de l’allégement de fiscalité qui en découle. Dans leur usage en principe professionnel, outre la récupération de TVA, les utilitaires s’affranchissent de la TVS du malus, des plafonds d’amortissement, des avantages en nature… C’est motivant !
Couramment appliquée sur des modèles de segment B, cette transformation en “VU dérivé de VP” se pratique de moins en moins sur les segments supérieurs car elle peut exposer à contentieux avec l’administration fiscale qui ne goute guère la “défiscalisation” quand elle s’applique à des modèles notoirement luxueux qui de toute évidence n’ont pas vocation à servir de vulgaire camionnette.

Pas excessives et dans l’intérêt de l’entreprise

Même si la transformation est techniquement possible, il est donc essentiel de garder en tête cet alinéa de l’article 39 qui après avoir listé les dépenses déductibles du résultat énonce : “Les dépenses (…) peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise.”
Sans que la règle soit clairement édictée il semble prudent de considérer que le passage en VU dérivé de VP sera regardé d’autant plus rigoureusement que le tarif du véhicule s’éloignera du plafond d’amortissement standard des VP de 18300€, ou que la mutation en VU l’affranchira d’un malus sévère et d’une TVS pénalisante.
En résumé, le VU dérivé de VP dans le segment B est une pratique convenue et banalisée. Et cela ne fera pas souci non plus dans le segment C si l’usage le justifie si la motorisation est modeste et si la gestion de l’entreprise est par ailleurs ailleurs limpide, Mais au-delà de ce format et de ce contexte… commence l’aventure et plus le véhicule est ostentatoire plus l’aventure est périlleuse

Passagers et marchandises dans un même compartiment

Cette situation était déjà la même en 2009 quand en avril le gouvernement a publié le décret de transposition de la directive européenne 2007/46/CE dans le droit français. Dans son annexe II, cette directive qui définit les conditions de réception des véhicules distingue notamment, les véhicules conçus et construits pour le transport de passagers (de catégorie M) des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises (de catégorie N). S’ajoute à cette appellation M ou N, un chiffre relatif au poids des véhicules, en l’occurrence le chiffre 1 quand le PTAC n’excède pas 3,5 tonnes. L’annexe II définit aussi les carrosseries : berlines, breaks, coupés, cabriolets et… les “véhicules à usages multiples” qui (autres que berlines ou breaks) peuvent transporter “dans un même compartiment” passagers et/ou marchandises (ce sont notamment les monospaces, crossovers ou SUV). Ces véhicules à usages multiples ne pouvant rester administrativement des objets roulants non identifiés, il a été convenu dans la directive de les classer M1 ou N1 selon le potentiel de charge utile octroyé respectivement aux passagers et/ou aux marchandises. Par exemple si un véhicule compte cinq places, et peut donc transporter, outre le conducteur, quatre passagers de 68kg (poids standard et théorique du passager européen lambda), soit 68×4=272kg de passagers, il suffit qu’il reste davantage de charge utile disponible pour les marchandises, soit au minimum 273kg ; autrement dit que la charge utile soit fixée à 545kg pour que l’homologation N1 soit possible… Et inversement s’il reste moins de 272kg pour les marchandises, le véhicule est classé M1.

Les N1 à usages multiples… de tourisme

La directive 2007/46/CE dans son approche technique et réglementaire semblait frappée au coin du bon sens. Mais sa transposition dans le droit français en avril 2009 a interféré avec notre fiscalité nationale qui différenciait véhicules particuliers de tourisme (transport de personnes) et utilitaires (transport de marchandises), par d’autres critères, notamment par la règle d’une seule rangée de sièges comme nous l’avons évoqué précédemment. Plusieurs constructeurs l’avaient bien compris et avaient rapidement exploité cette nouvelle réglementation pour homologuer en N1 certains grands monospaces ou certains gros SUV qui avec les fiscalités pénalisantes basées sur le CO2 voyaient leur marché s’effondrer. Alors qu’en N1, assimilés à des utilitaires, ils pouvaient s’en affranchir, même en cinq places. Par rapport à une transformation VU dérivé de VP (donc à deux places), c’était beaucoup moins “traumatisant” et même le plus souvent totalement invisible, avec 5 places, l’usage familial et convivial était préservé. Certes la législation française tenait le coup sur la TVA et empêchait la récupération, mais, le malus et la TVS passaient à la trappe et surtout le plafond d’amortissement disparaissait au détriment de l’IS.

C’était légal, il suffisait donc de changer la loi

L’opportunité s’était révélée à l’été 2009, le législateur ne broncha pas lors du débat de la loi de finances pour 2010 ce qui fut perçu comme une validation. Mais devant la prolifération des N1, il s’empressa l’année suivante d’endiguer la brèche fiscale (et l’incongruité politique de la situation) en inventant une nouvelle définition, à la rationalité très hexagonale, du “véhicule à usages multiples homologué N1 (donc conçu et construit pour le transport de marchandises) mais destiné au transport de passagers”.
La rédaction du 1010 après avoir énoncé que les sociétés sont soumises à la TVS sur les véhicules de tourisme, a donc ajouté dès le 1er octobre 2010: “Sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières au sens du 1 du C de l’annexe II à la directive 2007/46/CE… du 5 septembre 2007,… ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N1 au sens de cette même annexe, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens.”
Votée fin 2010 dans la loi de finances pour 2011, cette disposition a eu pour effet de réintégrer les véhicules N1 – à usages multiples – dans le champ de la fiscalité ordinaire. Fin de l‘aventure pour les monospaces, crossovers et pour les gros SUV redevenus quel que soit leur nombre de places assises et quelle que soit leur charge utile “de tourisme au sens l’article 1010 du CGI”.

Ultime avatar du N1 fiscal

Si nous sommes revenus longuement sur cette affaire du N1 fiscal que l’on croyait enterrée, c’est que les pick-up à double cabine apparaissent comme l’ultime avatar du N1 fiscal. Jusqu’à 2015, ce pick-up était entretenu dans un statut fiscal quelque peu ambigu. L’administration évoquait des différences entre simple cabine, cabine “approfondie” et double cabine et éventuellement des appréciations au cas par cas inévitablement sujette à conterntieux.
Si ces distinctions demeuraient, notamment pour contester leur droit à déduction de la TVA, en revanche, l’instruction administrative en date du 7 octobre 2015 (BOI-TFP-TVS-10-20-20151007) relative au champ d’application de la TVS avait formulé la remarque suivante :
“Si les véhicules concernés (ndlr : homologués N1) sont équipés d’une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique (tel un véhicule de type 4×4 pick-up, à cabine simple ou à double cabine), ils ne répondent pas à (la) définition de véhicules à usages multiples au sens de la directive 2007/46CE et sont alors exclus du champ d’application de la TVS. À défaut, c’est-à-dire si les véhicules transportent voyageurs et marchandises dans un compartiment unique, ils constituent bien des véhicules de tourisme taxables à la TVS.”
Dès lors que l’administration fiscale, dont les juristes n’entretiennent pas une réputation de laxisme ou de bienveillance excessive, énonçait clairement que les pick-up ne sont pas véhicules à usages multiples et, sur cette base, motivait leur exclusion du champ d’application de la TVS. Les entreprises étaient légitimes à les gérer dans le cadre défini par l’instruction. Dans ce contexte pour autant que la loi ne puisse être constitutionnellement contestée, soumettre les entreprises qui ont acquis ou commandé des pick-up cinq places avant le 30 décembre à cette fiscalité improvisée n’en serait pas moins politiquement inique.


La double cabine n’échappera pas à la TVA… même à 4 places !!!

Précisons que pour le droit à déduction (à récupération de la TVA) c’est toujours l’instruction du 18 novembre 2013 (BOI-TVA-DED-30-30-20-20131118) qui fixe la doctrine. À savoir :
“S’agissant des véhicules de type “4×4 pick-up, l’exclusion du droit à déduction de la TVA doit s’apprécier de manière objective en fonction des caractéristiques intrinsèques des véhicules ou engins et non de l’utilisation qui en est faite. Aussi,(…) l’appréciation des caractéristiques intrinsèques du véhicule doit s’opérer pour chaque véhicule au cas par cas. Il peut néanmoins être indiqué, à titre de règle pratique, que les véhicules 4×4 de type pick-up pourvus d’une simple cabine, c’est-à-dire ne comportant que deux sièges ou une banquette, ou comprenant une simple cabine approfondie dans laquelle sont placés, outre les sièges ou la banquette avant, des strapontins destinés à faire l’objet d’un usage occasionnel, ne relèvent pas de l’exclusion du 6° du 2 du IV de l’art.206 de l’annexe II au CGI. Dans ces situations, les véhicules présentent un caractère utilitaire dans la mesure où leur volume de chargement demeure important. En revanche, les autres véhicules 4×4 du type pick-up, qui comportent quatre à cinq places assises hors strapontin, entrent dans le champ d’application de l’exclusion. Il s’agit notamment de ceux que les constructeurs rangent dans la catégorie des véhicules dits à double cabine.”

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