Publié le 12 octobre 2017 | par Rédaction

1) L’usage pour les besoins des opérations taxées

La directive 77/388/CEE, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires a ouvert droit à déduction de TVA quand : “les biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations taxées”. Tout en excluant les “dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation” Le risque de devoir justifier l’usage effectif est donc bien constamment sous-jacent même pour un véhicule incontestablement utilitaire en raison de sa conception technique.

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Ainsi un fourgon ne posera pas a priori problème dans une entreprise qui pourra justifier aisément de son utilité pour ses approvisionnements ou ses livraisons. En revanche ce sera plus complexe pour une société de conseil financier donc l’activité est “immatérielle” surtout s’il se raconte que le dirigeant de la société est animé d’une passion immodérée pour la brocante et la collection d’horloges bourguignonnes ou encore que son épouse, ou son fils, vient d’ouvrir une boutique spécialisée sous le statut d’auto-entrepreneur…

Si la législation a vocation à encadrer, elle n’est bornée. Par exemple, le Conseil d’État a reconnu droit à déduction de TVA pour… des scooters des neiges (arrêt du 25 novembre 2009, N°319649) Mais il est notable que le recours était engagé par une société qui devait intervenir régulièrement à flanc de montagne pour entretenir des téléskis (l’usage pour les besoins des opérations taxées apparaissait donc incontestable) … Un entrepreneur bordelais qui achèterait le même scooter des neiges pour aller le week-end, photographier les rapaces dans les Pyrénées, serait bien inspiré de ne pas y voir jurisprudence, et de financer, TTC, sa “dépense de divertissement” sur ses deniers personnels.

L’interaction de considérations techniques de “conception et de construction” du véhicule avec des considérations d’usage “pour les besoins des opérations taxées” conduit l’administration fiscale à devoir préciser régulièrement une multitude de cas d’espèce (tels les corbillards, les ambulances, les VTSL, les autocars, les autobus, les véhicules à cabine approfondie à ne pas confondre avec ceux à double cabine, etc,). On aimerait plus de limpidité, des critères exclusivement factuels et des limites indiscutables entre le possible et l’excessif. Dans le dernier gouvernement Valls il existait un ministre de la simplification, mais depuis le grand chambardement électoral du 18 juin, on l’a perdu de vue !

2) L’exclusion des dépenses de luxe…

Allez savoir où commence le “luxe”, … Nous serons tentés, même si aucun texte juridique ne valide cette formule, de considérer que le risque de complications pour les “VU dérivés de VP” est directement proportionnel à la part de leur prix qui dépasse le plafond d’amortissement fixé par la loi pour les VP avant qu’ils n’entrent dans les “dépenses somptuaires”, c’est-à-dire 18300€. Car, bien évidemment, en cas d’homologation VU d’un luxueux SUV à 100.000€, c’est tout à la fois la déduction de TVA, la non réintégration de l’excédent dans le bénéfice imposable, et l’évacuation de la TVS et du malus qui font tracas aux finances publiques.

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Pour les “VU dérivés de VP”, il faut donc savoir raison garder et ne pas chercher à “dériver” n’importe quoi en VU. Si les activités de l’entreprise s’exercent par exemple dans des carrières, des chantiers de génie civil, des forêts ou des marécages, l’adaptation d’un SUV 4×4 en “deux places” peut trouver une justification professionnelle, mais à défaut d’activité en terrain difficile, la logique d’une fiscalité “utilitaire” avantageuse devient discutable et le risque de contentieux augmente rapidement avec le standing de l’engin qu’il conviendra de choisir plutôt “rustique”.

Bien que le véhicule n’ait que deux places et une carte grise de VU (dérivé de VP), l’administration fiscale risquera fort d’assimiler la “dérivation” d’un SUV luxueux en VU à une optimisation par trop optimiste. Dans ce genre de situation, il sera souvent préférable de ne pas chercher les complications et d’assumer ses menus plaisirs avec un vrai SUV de tourisme à cinq ou sept places, soumis à TVA, à TVS, à malus, à plafond d’amortissement et à avantages en nature. La République est généreuse dès lors que l’on reste attaché au bon vieux principe hérité des Cordeliers qui veut que “chacun contribue en raison de ses facultés et de sa fortune” aux charges de l’État.

Toutefois le prix du véhicule n’est pas en lui-même un critère formel. Par exemple le camion magasin à étal frigorifié utilisé par le charcutier pour vendre ses jambons et salaisons sur les marchés peut coûter aussi cher qu’un SUV, voire plus, mais son coûteux aménagement restreint davantage les possibilités d’usage personnel qu’il ne les favorise. De même le camion pizza, exercerait-il l’été au bord des plages, ne deviendra pas soudainement assimilable à un camping-car.

3) Une seule rangée de sièges

La règle rappelée dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques Impôts du 18 novembre 2013 (voir sur site http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1192-PGP.html.) énonce que : “les véhicules utilitaires tels que les camionnettes ou les fourgons conçus pour le transport de marchandises ne sont pas exclus du droit à déduction, y compris lorsqu’ils sont équipés d’une cabine approfondie comprenant, le cas échéant, une banquette. Le BOFPI ajoute que le dispositif d’exclusion du droit à déduction “ne s’applique pas non plus aux véhicules dits dérivés VP qui ne comportent que deux places, également commercialisés sous les appellations “société”, “affaire” ou “entreprise”.

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Certains SUV et gros monospaces, qui avaient pu en 2009, lors de la transposition de la directive 2007/46/CE dans le droit français, s’affranchir de TVS en jouant sur la répartition de charge dédiée aux passagers et aux marchandises, ont été réintégrés dès 2010 dans le champ de la fiscalité ordinaire. Seuls les pick-up à double cabine en dépit de leurs cinq places (en deux rangées de sièges), bénéficient aujourd’hui de l’exemption de TVS, l’administration fiscale ayant convenu que leur plateforme de chargement est séparée de l’habitacle et donc qu’à défaut de compartiment unique, ils ne répondent pas à la définition de “véhicules à usages multiples”… Mais l’exemption de TVS, n’entraîne pas systématiquement le droit à déduction de TVA, loin s’en faut.

4) L’usage personnel “à l’insu de votre plein gré”

Il n’est pas que l’administration fiscale pour se soucier de l’exclusivité de l’usage du VUL “pour le besoin des opérations taxées”. L’URSSAF est aussi très attentive aux débordements d’usage personnel car bien évidemment s’il y a usage personnel d’un véhicule d’entreprise, fut-il utilitaire, l’URSSAF pourra y voir un avantage en nature et donc matière à cotisations sociales. Si elle tolère (sous conditions restrictives) le trajet domicile-travail du VU, elle conditionne notamment sa bienveillance au fait que le chef d’entreprise notifie – par écrit – à ses collaborateurs que l’usage du véhicule utilitaire doit rester exclusivement professionnel. Le contrôle de la stricte application de cette notification écrite n’est pas dévolu au chef d’entreprise (du moins ce n’est pas dit explicitement dans les textes) d’ailleurs l’on ne voit guère comment il pourrait suivre chaque collaborateur pour s’assurer qu’il ne dépose pas un enfant à l’école en partant le matin, ou pour vérifier qu’il ne s’arrête pas pour acheter une salade en rentrant.

Il n’en reste pas moins que le chef d’entreprise devra occasionnellement gérer la demande du collaborateur qui souhaite emprunter très exceptionnellement le fourgon un week-end pour aller acheter une cuisine suédoise ou pour installer la chambre d’étudiant de son grand fiston qui va entrer à l’université. Il sera alors essentiel que le fourgon soit assuré sans restriction, que… la note écrite d’interdiction soit affichée au tableau de service et enfin que la chose se passe “à l’insu de votre plein gré” car la stricte application des règles impliquerait un refus.

5) Gérer le flou apparent avec bon sens

Il est aussi utile de considérer que la législation et la réglementation résultent d’un empilement hasardeux de textes rédigés de manière plus ou moins empirique et qui disent parfois tout et le contraire. En conséquence le contribuable n’est jamais garanti de rien. Ainsi on peut lire dans un document de l’administration fiscale (BOI-TVA-DED-30-30-20-20131118) “Il est insisté sur le fait que dans le domaine automobile, (…) le critère déterminant reste de connaître pour quel usage l’engin a été conçu et non quel en est son usage effectif.” Et dans une réponse ministérielle issue de la même administration : “la catégorie dans laquelle un véhicule a été réceptionné par le service des Mines est une indication qui ne saurait à elle seule faire échec aux critères d’exclusion.”

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En dépit de ces formulations contradictoires, il apparaît en filigrane une volonté de permettre l’application d’une fiscalité d’utilitaire à des véhicules qui en ont la conception et l’usage et d’éviter les débordements. Pour les autres qui relèvent de la définition des véhicules de tourisme au sens de l’article 1010 c’est la fiscalité tourisme qui s’applique. Dura lex, sed lex !

Jean-Pierre DURAND

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